Quand on s’intéresse à la reconstruction de soi ou à la psychologie humaine, il faut bien au préalable prendre la peine de définir la portée du mot « soi », la dimension de l'humain. On en arrive vite à la question de D.ieu car devant la perfection de l’homme se pose naturellement la question d’un Créateur. Peut-on mesurer l'immense perfection de l’homme et, dans le même temps, prétendre que cette perfection est le fruit d’une suite de hasards s’échelonnant sur une période hors de portée de l'imagination ? Telle est l'une des idées de la thèse évolutionniste qui, comme nous le savons, nie toute Transcendance, toute Émanation supérieure, toute Idée maîtresse, mais voit l’univers, la vie en somme, comme une coïncidence heureuse quoique parfaitement inexplicable.
Alors, l’homme est-il une créature, au sens où il a été formé par un Créateur Qui avait donc un dessein en le faisant venir à l’existence ? Ou l’homme est-il le fruit d’une évolution qui serait entièrement gérée par le hasard, autant dire par le le chaos, tout en s’inscrivant dans la plus stricte harmonie ?
C’est au fond la résolution d’un tel questionnement préliminaire qui peut donner une orientation, un sens à la construction de soi. Comment construire vraiment ce dont on ignore l’ultime degré de perfection ? Quand on construit c’est pour parfaire, et si l’on ne sait pas jusqu’où il est possible d’aller dans la recherche d'une amélioration, on se condamne forcément à un travail… imparfait. Et si par malheur ce qui était alors occulté touchait en fait à l’essentiel, quand bien même on croirait avoir éventuellement fait beaucoup, on n’aurait objectivement fait presque rien. Un tel risque est si périlleux qu’il faut bien s’en prémunir.
Il ne saurait être question de prouver l’existence de D.ieu dans le cadre d’un simple article de blog. Ceci tiendrait quasiment de la mauvaise plaisanterie. Le moyen ne s’y prête pas. Et pourtant, il y aurait si peu à dire ! Certains éléments tangibles et même reconnus, d’autres éléments absolument rationnels, suffiraient à poser les jalons d'une preuve incontestable. C’est après tout à chacun de faire son choix, de prendre sa part, entre les intérêts personnels susceptibles de légitimer tels ou tels besoins égotiques, et entre la certitude d’une Révélation historique devant un peuple tout entier, l’évidence des prophéties annoncées et depuis réalisées, la certitude d'une transmission d'enseignements dont l'étude donne à l'être l'impression de comprendre, au moins un peu, ce mystère que l'on nomme « vie », la nécessité d’une structure préexistante à la réalité dont on découvre toujours davantage la finesse et la justesse, l’évidence enfin d’une expression de la pensée divine, la Torah, dont on peut s’étonner soi-même de l'absolue cohésion.
Nous ne jugeons donc personne ici, nous ne sous-entendons pas même le moindre jugement. Nous engageons par contre chacun à chercher la vérité, en référence au célèbre aphorisme des Sages d’Israël, d’où l’on apprend que quiconque s’efforce dans sa recherche, finit par trouver à la mesure de sa sincérité.
Ce préambule, dont nous nous excusons s’il a pu paraître long au lecteur, nous a néanmoins paru nécessaire pour souligner l’importance du rapport à D.ieu dans toute construction, ou reconstruction de soi.
Pourtant, comme il serait préjudiciable de passer d’une erreur à l’autre ! De passer de la conception d’un monde privé de Providence, de justice, de but, de toute utilité pour ainsi dire, en fait d'un monde livré à lui-même, à la conception d’une Providence s’exerçant sur le monde, certes, mais aveuglément, sans logique, presque cruellement. Une Providence écrasante qui ne laisserait pas le monde respirer. Ces mots pourront paraître particulièrement durs au croyant, dont nous nous réclamons d’ailleurs également. Il faut néanmoins convenir qu’ils ne sont pas très loin quand on confie sa souffrance à une tierce personne, laquelle n’aurait à répondre qu’un laconique : « C’est min haChamaïm ! ». Cela vient du Ciel, cela a été décidé par la Providence. C’est D.ieu qui t’a envoyé ta souffrance, alors accepte-la et supporte-la… en silence bien sûr.
Eh bien, sachons que de tels mots sont vrais, rigoureusement vrais, sans doute même trop rigoureusement vrais. Le fait est que la rigueur de cette vérité peut difficilement être absorbée par un être humain normalement constitué, même croyant, même équilibré. En voulez-vous une preuve ? Nous citerons un homme pieux, célèbre de surcroît, qui connut des souffrances terribles. Il s’agit de Iyov, Job en français. Or, certains de ses amis lui tinrent précisément ce genre de ces discours, rigoureusement vrais. « C’est min haChamaïm »… comme si cela pouvait consoler dans le malheur !
Que le lecteur ne se trompe pas sur la nature de nos propos, qui n’ont rien d'hérétique.
Bien sûr, que c’est fameux mots peuvent consoler. Nous irions plus loin : seuls ces mots peuvent consoler ! Réfléchissons-y un instant. Quand on a souffert, s’avoir qu’il y a une logique, un sens, une vérité même trop profonde, trop cachée pour être appréhendée, est certainement l’unique élément apte à consoler. Car à l'opposé souffrir pour rien, sans raison aucune, y aurait-il pire cauchemar ? Voici pourquoi nous avons écrit « quand on a souffert ». Des mots tels que « C’est min haChamaïm » ne peuvent être entendu qu’une fois la tempête apaisée ; en pleine souffrance, ils peuvent faire mal, ils ne peuvent faire qu'ajouter de la souffrance à la souffrance. Tel est bien le sens de notre propos. Du reste, la Torah elle-même confirme que les amis de Iyov eurent tort de « l’apaiser » d’une telle manière si inadaptée.
On se dira : peut-être pensaient-ils bien faire ? Eh bien, parfois c’est justement le fait de penser bien faire qui peut entraîner un manque de tact, parfois c’est le fait de trop se concentrer sur sa tâche, sa mission envers l’autre, qui peut paradoxalement faire oublier l’autre…
Dans la seconde partie de notre article, nous tâcherons donc de rentrer un peu plus dans les détails concernant la place de la Providence dans la souffrance.